Afin de mieux faire connaître le contenu d'un
cordel voici le texte de ce premier conte écrit en
Provence sur le thème de la transformation
humaine au profit de la nature.
Sur la terre sèche du Plateau de Valensole
parmi les lavandes, petits points gris vert
assoiffés et odorants,
la main tenant son chapeau
sous le vent froid du mistral
l’homme penché avance lentement.
Depuis des millénaires , quelques bois
s’élèvent , retenant la terre ,
jusqu’au bord verdoyant du ravin.
Trait de l’outil nature,
Saignée profonde
D’où jaillit le magique jet,
Trop plein des pluies d’automne.
Le bois s’appelle Gipounette,
La source Poiraque.
Et personne ne les regarde, perdus,
noyés dans l’océan de terre.
A l’abri du bois, dans le creux du ravin
quand l’heure de la soif se fait sentir
il fait bon se rafraîchir,
s’accroupir près du jet d’eau de la source,
tendre les mains et recevoir
la fraîcheur du liquide translucide.
L’herbe verte, les ombres et le léger souffle
du vent réchauffé et parfumé
apaisent et inspirent au repos.
Tout est là : Le bois sec et craquant,
les orties et les prêles sorties du lit
ondulant de la source et l’oiseau chantant
la mélodie de la terre humide comparée
à celle du sifflement aigu du mistral
entraînant la poussière rouge
soulevée comme des vagues.
Le bois de Gipounette sert de réserve
pour l’hiver à l’homme qui coupe, scie
et rempli ses seaux à la source Poiraque.
Il amasse, utilise, transpire, boit,
se lave , se chauffe sans compter.
Le bois de Gipounette se réduit,
l’eau fraîche disparaît sous le soleil,
le vent soulève les feuilles et l’herbe jaunie,
la terre se craquelle,
les pierres ne roulent plus,
l’oiseau ne chante pas.
La source Poiraque continue de couler.
L’homme boit encore et encore.
Son corps imprégné de l’eau bénéfique
ressent les premiers signes de la transformation.
Doucement, jours après jours, il change.
Sa peau se fendille telle l’écorce
ses doigts s’allongent.
Et il boit à la source encore et encore.
Mais au lieu de s’assouplir, tout son corps
se durcit, ses pieds lourds s’enfoncent
au lit de la source. Il ne bouge plus
afin de rester près de l’eau et
plus il boit plus son corps gonfle,
se fend, s’assombrit.
Il ne ressent plus le froid du vent,
le soleil le réchauffe et le durcit.
Il grandit, il s’étend vers le ciel.
Sans cesse, gonflé d’eau devenue sève
ses yeux disparaissent, sa bouche se ferme
son cœur ne résonne plus dans son être.
Il n’est plus homme, il n’est plus femme,
il devient un lien entre le bois et la source.
Les jours passent et passent.
Son esprit disparaît.
Il a soif, il a besoin de l’eau
la pluie ne suffit pas.
Il creuse avec ses pieds le sol
à la recherche de l’eau
et plus il creuse, plus il grandit.
Petit à petit il devient l’arbre de Gipounette,
celui qui va redonner l’ombre,
faire reverdir l’herbe,
laisser les cailloux rouler au lit du ravin
de la source Poiraque.
N’oublie pas, toi qui passes et te rafraîchis
à la source, que cet arbre te perçoit,
te protège et surtout ne ramasse
que les branches mortes et,
laisse-lui l’eau de la source.
FIN
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auteur : jean pierre DUVIALARD
vidéo : le bois de gipounette